Arrestations de "terroristes", résistants et civils
La répression contre les maquis et leur alliés
Les rapports des renseignements Généraux conservés aux Archives départementales de l'Ain montrent que Vichy parvenait à repérer l'implantation des camps de maquisards. Jusqu'en 1943, les autorités militaires ne cherchent pas à démanteler le maquis par un engagement de terrain, laissant cette tâche aux services de l'Etat Français. Les premiers combats voient s'affronter les maquisards contre des Groupes Mobiles de réserve (G.M.R.). Lorsque la milice est créée en février 1943, un groupe de réserve est cantonné à Bourg-en-Bresse mais ce sont rarement ces hommes, trop facilement identifiables, qui participent aux opérations de terrain dans l'Ain.
A partir de l'hiver 1943-44, les attaques isolées, les sabotages et les destructions de matériels déstabilisent l'Armée allemande. La démonstration de force des maquisards à Oyonnax à l'automne 1943 a impressionné, et les troupes d'occupation cherchent à mater au plus vite cette rebellion qui se montre structurée et efficace. La milice et les GMR semblent impuissants à le faire. L'une des armes qui sera utilisée est celle de la terreur, un décret du commandement militaire de février 1944 permettant d'appliquer les mêmes mesures de répression à l'encontre des civils. L'Occupant et ses alliés ont les mains libres pour piller, incendier, terroriser les civils, espérant ainsi infléchir la détermination des maquisards et atténuer le soutien que leur apporte la population.
Ainsi, toutes les exactions sont permises, et les habitants du département vont payer très cher les représailles menées à partir du début 1944. De très nombreuses exécutions (on évalue à plus de 650 le nombre de civils tués) et déportations (1 400 dont une très grande majorité par mesure de répression) ont endeuillé les campagnes et les villes de l'Ain, la traque perpétuelle des "terroristes" contribuant à maintenir un climat de peur et de méfiance dans toute la région.
Les principales arrestations massives, ou rafles, sont détaillées dans ce site. Mais il est important de rappeler que la barbarie aveugle du pouvoir nazi et de ses alliés vichyssois a frappé sans cesse, partout, aussi de manière isolée et imprévisible, souvent sans raison, sauf celle d'exercer son droit de vie et de mort sur les populations.
Les dénonciations
Dans ce climat de méfiance généralisée, attisé par une vague d'anti-communisme et d'antisémitisme, nombreux sont ceux qui ont fait le choix de la collaboration active, parfois par sentiment patriotique ou dévouement au pouvoir en place, souvent par intérêt et par bêtise. Certains s'engageaient dans la milice ou les groupes paramilitaires collaborationnistes, d'autres profitaient du marché noir, vendaient leurs services aux organisateurs de la répression, d'autres enfin prenaient un papier et un crayon pour dénoncer leurs prochains, anonymement le plus souvent, mais pas toujours.
"Qu'elles soient le fait de civils ou d'agents infiltrés, les dénonciations ont souvent concouru à l'arrestation de résistants mais aussi de personnes supposées avoir des relations avec la Résistance. Des tentatives d'infiltration menées par des Allemands, des miliciens ou des G.M.R. (groupes mobiles de réserve) "habillés comme des gars du maquis" sont signalées dans les rapports des chefs de groupement. Certains délateurs agissent par conviction, d'autres pour des raisons plus obscures : conflits de voisinage, profits personnels...[...] La Résistance se charge parfois d'organiser des expéditions punitives à l'encontre des dénonciateurs."
Extrait de "L'engagement résistant dans l'Ain", Conservation départementale des Musées de l'Ain, juin 2012
Rafles antisémites
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Répertoire recensant les lois anti-juives,
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1941-42. Archives départementales de l'Ain.
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Les autorités françaises de Vichy collaborent activement à la persécution des Juifs, dès le printemps 1941, qui s'intensifie en 1942. La rafle du Vel d'Hiv des 16-17 juillet 1942 se situe après les premières déportations de Juifs en France, au moment où les nazis vident les ghettos polonais et entament aussi les déportations en Belgique, aux Pays-Bas et au Danemark.
Cette opération est d'une autre nature que les précédentes en France : en moins de 48 h (de quatre heures du matin, le 16 juillet, jusqu'au lendemain, le 17 juillet à treize heures), la police arrête 13 152 Juifs à Paris et en banlieue. 8 160 d'entre eux, dont de très nombreux enfants, sont parqués dans l'enceinte d'un complexe sportif, le Vélodrome d'Hiver, entre le 16 et le 22 juillet dans des conditions terribles.
Le transfert des internés est organisé vers Drancy, Pithiviers et Beaune-la-Rolande. La plupart d'entre eux sont ensuite déportés. Leurs noms figurent dans les 38 convois à destination d'Auschwitz qui quittent la France entre le 17 juillet et le 11 novembre 1942. Très peu ont survécu.
► En savoir plus : http://www.aidh.org/Racisme/shoah/rafle/index.htm
Dans l'Ain, les premières rafles massives et organisées visent les Juifs étrangers et commencent en août 1942. Le recensement scrupuleux de "ces populations" par les services de la Préfecture et le soutien des forces de gendarmerie française vont permettre d'opérer rapidement et effiacement.
Heureusement, et comme ailleurs en France, des citoyens cacheront et sauveront des Juifs. Des professionnels, comme le docteur Bonafé à Hauteville, useront de leur autorité pour protéger les victimes de cette politique d'épuration. A travers le département, 20 personnes ont reçu le titre de "Juste parmi les Nations" pour avoir sauvé des Juifs, souvent au péril de leur propre vie.
► En savoir plus : http://www.yadvashem-france.org/les-justes-parmi-les-nations/les-justes-de-france/
Durant l'été 1942, des rafles visent les réfugiés de toute la zone occupée, notamment à Bordeaux, Dijon et Tours. Pour répondre à la demande des Allemands, l'Etat français livre également 10 000 juifs étrangers internés dans des camps. De plus, de vastes opérations d'arrestations de ressortissants étrangers sont organisées entre le 26 et le 28 août dans une vaste région méridionale : Limoges, Lyon, Clermont-Ferrand, Grenoble, Montpellier, Marseille, Nice...
► En savoir plus : http://1942.memorialdelashoah.org/
La Préfecture de l'Ain applique les lois de Vichy
Les villes secondaires de la zone sud comme Bourg-en-Bresse, préfecture de l'Ain, ne sont pas moins actives ans la répression anti-juive. Dès le printemps 1941, des listes de recensement des juifs résidant dans le département sont dressées et communiquées à Vichy. En application de la loi du 2 juin 1941, les services de la Préfecture chargent les forces de police de se renseigner sur les professions des juifs de l'Ain, certaines leur étant interdites par cette loi. De nombreux contrôles sont mis en place et les Israélites étrangers arrêtés sont envoyés dans des camps d'internement comme à Rivesaltes.
Formulaire de déclaration destiné à établir l'ascendance juive des personnes contrôlées, 1941.
Archives départementale de l'Ain.
Demande ministérielle au Péfet de l'Ain : recensement des médecins juifs, 20 août 1942.
Archives départementales de l'Ain.
Des autobus sont mis à disposition de forces policières pour sillonner le département et regrouper hommes, femmes et enfants. Les arrestations sont préméditées, soigneusement préparées, les listes préalablement établies étant visées par la Préfecture (26 août 1942 et 21 février 1943 notamment).
Les personnes arrêtées sont le plus souvent transférées à Drancy avant le départ pour Auschwitz. La plupart ne reviendront pas. En 1943 et 1944, arrestations et déportations continuent en s'intensifiant, tant à Paris qu'en zone occupée et en zone sud. Au total, entre mars 1942 à août 1944, on estime à 76 000 le nombre de Juifs déportés hors de France. Beaucoup sont des Juifs étrangers et un tiers environ sont des Français, les autorités allemandes ne faisant aucune différence, ni distinction de sexe, d'âge et de nationalité. L'implication du régime de Vichy dans les rafles et les déportations a joué un rôle déterminant dans la mise en application de la Solution finale en France.