4 avril, lancement de l'opération Printemps
En avril 1944, la lutte s’intensifie. Le Maquis prend part de plus en plus activement aux opérations de sabotage prévues par l'Etat-Major interallié. Partout dans la région, les voies sont coupées, les locomotives mises hors de service. Les parachutages se succèdent à une cadence jamais encore atteinte.
L’ordre est donné au général Pflaum de mener une opération destinée à neutraliser les Maquis du Haut-Jura, avec l’appui de la Gestapo sous l’autorité de Klaus Barbie. L’opération « Printemps », ciblant le Groupement nord, débute le 4 avril 1944 avec des combats auxquels les maquisards résistent bien. Une trentaine d’entre eux sont tués. Bellegarde, la pays de Gex, Nantua et Oyonnax, Saint-Claude et sa région subissent les actions les plus dures.
Le 7 avril au matin, toute la région d'Oyonnax et le sud du département du Jura sont encerclés. Forts de l'expérience acquise par leurs victoires sur les miliciens et G. M. R., les décrochent pour revenir, par surprise, sur les arrières de l'ennemi. Les hommes de Noël Perrotot, alias, Montréal harcèlent la Wehrmacht et lui inflige de nombreuses pertes.
► En savoir plus : http://www.maquisdelain.org/index.php?r=article&id=32
Les représailles contres les civils
Les représailles contre la population s’intensifient et les exactions commises par les Allemands se multiplient : brutalités, tortures, viols, meurtres. Dans les secteurs les plus touchés, la population en arrive parfois à devenir hostile aux résistants tant leurs difficultés et les souffrances sont grandes.
La population fait l'objet d'attaques sauvages de l'Occupant. Des patriotes sont fusillés. Racouze, Chougeat, La Rivoire, Vernon, Sièges (Jura) brûlent. Ce dernier village devait être le théâtre de l'épisode le plus terrible de cette répression. Arrêtés, le lieutenant Darthenay et le jeune André Bésillon sont sauvagement torturés jusqu’à la mort avec 3 autres prisonniers. Le lieutenant Paul de Vanssay commande le 8 avril une patrouille de 21 hommes sur la route de Bellegarde à Nantua, elle sera décimée par le feu allemand à Montanges.
Dans l’Ain, on dénombre près 150 déportations, et plus de 400 dans le Jura tout proche. Quelques exemples parmi les populations terrorisées par les nazis :
- à Bellegarde : le 7 avril et les jour suivants, 11 personnes sont arrêtées parmi lesquels Marius Marinet, chef de l'Armée Secrète.
- à Nantua, des civils sont arrêtés, parfois par familles entières (parents et enfants Coupat, le 12 avril).
- à Oyonnax : le 9 avril, jour de Pâques, de nombreux soldats allemands parcourent les rues et visitent systématiquement les maisons. 83 hommes sont arrêtés et regroupés dans la salle de gymnastique des « Enfants du Devoir ». Le lendemain, ils sont conduit à Bellegarde en car où les rejoignent 302 raflés de Saint-Claude. De Bourg-en-Bresse, ils sont transférés au camp de Royallieu à Compiègne où ils restent jusqu’au 12 mai, jour de leur départ pour Buchenwald.
- à Chougeat (Matafelon) : Le petit hameau est composé de 6 fermes, dont l’une est habitée par la famille Gouilloux : Lucien et Henriette les parents, Rose et Alphonse leurs enfants. Depuis mars 1943, les cultivateurs cachent les premiers réfractaires au S.T.O. et ravitaillent les hommes réfugiés dans la « Grotte de l’Ours ». Le 11 avril 1944, la milice et Francis André (dit «Gueule Tordue») arrivent à Chougeat, fouillent et pillent chaque maison. 17 personnes sont arrêtées et emmenées à Oyonnax dont toute la famille Gouilloux. Le lendemain, 5 hommes et 2 femmes sont conduits à Bellegarde-sur-Valserine. Les autres prisonniers seront libérés au bout d’une semaine. Les 7 prisonniers sont emmenés à la Gestapo de Lyon pour être interrogés. Emprisonnés à Montluc, les hommes partent pour Compiègne puis Buchenwald, tandis que les femmes sont dirigées sur le fort de Romainville avant leur transfert vers Ravensbrück. Lucien et Henriette Gouilloux en revenant à Chougeat constate le désastre : presque tout le hameau a été incendié et le bétail réquisitionné. Sans logement, les époux vont vivre dans leur poulailler avant que le maire ne les reloge dans un vieux bâtiment.
La brutalité de rafles du Revermont
A la mi-avril 1944, les troupes d’occupation déferlent sur le Revermont. Dès le 12, des unités de la 157e Division de Réserve font quelques incursions dans ces collines, s’appuyant sur la police allemande et des collaborateurs connaissant parfaitement la région. Ce jour-là, ce sont près de 200 hommes de troupe qui investissent en milieu de matinée le petit village de Chavannes-sur-Suran. La population est rassemblée sur la place de la mairie et 11 personnes, des jeunes pour la plupart, sont emmenées en camion.
Au même moment, un détachement se rend à Corveissiat, situé à quelques kilomètres. Une partie des habitants de la commune est réunie dans le quartier du Chaneau. 5 personnes sont arrêtées et emmenées elles aussi. L’une d’elle sera relâchée le soir même à Oyonnax, les autres seront déportées.
Quatre jours plus tard, le 16 avril, des troupes supérieures en nombre encore essaiment à nouveau dans tout le Revermont. Partout les Allemands investissent les maisons, questionnent les habitants sur le maquis, brutalisent, incendient et tuent. Le long de la corniche, ils procèdent à des arrestations le plus souvent arbitraires. A Coligny, fief du 1er Bataillon F.T.P., 9 personnes sont arrêtées. Une femme est brutalisée et relâchée quelques jours plus tard, de même qu’un de ses co-détenus. Mais les sept autres seront déportés. De nombreuses maisons sont incendiées.
L’Occupant frappe encore au hameau de Roissiat à Courmangoux (11 déportés), à Verjon (9 déportés), à Cuisiat (5 déportés) et à Treffort (1 déporté). Le même jour, un autre détachement retourne à Corveissiat où il rassemble tous les hommes devant le café Guerrier pour une vérification des papiers. Un cultivateur est blessé par balle, un autre est roué de coups. 16 hommes et femmes sont arrêtés, parmi lesquels 3 seront relâchés, une sera incarcérée à Lyon dans la prison de Montluc. Les 12 autres, dont la moitié étaient des prisonniers de droit commun travaillant dans la commune, sont envoyés en déportation. Ce jour-là, à Corveissiat, certains ont pu reconnaître parmi leurs bourreaux un certain Francis André dit «Gueule-Tordue», que le Procureur Thomas, en 1946, décrira comme « un véritable monstre, une bête assoiffée de sang, la plus sinistre figure de la Gestapo lyonnaise ».
► En savoir plus : Témoignage d’Yvette BOUVARD dans le bulletin municipal de Val Revermont –janvier 2024
Les représailles touchent encore les villages voisins : à Grand-Corent, le maire et un administré sont fusillés. Le hameau de Racouze est incendié et un homme meurt dans sa maison transformée en brasier. A Simandre-sur-Suran, plusieurs fermes sont elles aussi brûlées et un religieux de l’abbaye de Sélignac est arrêté et déporté.
- à Villemotier : Le 19 avril 1944, le centre rural des Eclaireurs Israélites de France est encerclé par la Gestapo et un détachement de SS. 5 personnes sont abattues d'une balle dans la nuque et Paul Strauss est déporté à Auschwitz. Son épouse, enceinte, échappe à ce sort grâce à de faux papiers d'identité.