Source sonore
« Le Chant des Marais », hymne des déportés
Il s’agit de la version française d’une chanson créée dans le camp de concentration allemand de Börgermoor en 1933, en allemand sous le titre Moorsoldatenlied (chanson des soldats du marais), ou Börgermoorlied (chant de Börgermoor). Ce camp implanté en Basse- Saxe (Allemagne du nord) est situé dans une région marécageuse à proximité de la mer du Nord.
Les opposants allemands au nazisme, ou ceux qui en étaient suspectés, y étaient internés et encadrés durement par les S.A. Le travail à Börgemoor consistait à drainer les marais avec des outils rudimentaires : pelles, pioches et bêches... Les SA puis les SS des camps exigeaient souvent des prisonniers qu'ils chantent pour se rendre au travail.
Ainsi le chant serait-il né en août 1933, de la tradition concentrationnaire de faire chanter les détenus et de la volonté de ceux-ci de rendre compte des conditions de détention, des violences subies mais aussi de leur conviction d'abattre la tyrannie nazie.
Les auteurs du Chant des Marais sont 3 détenus arrêtés parce qu’adhérents au KPD, parti communiste allemand. Les paroles sont de Johann Esser, mineur dans la Ruhr et poète, et Wolfgang Langhoff, homme de théâtre. La musique est de Rudi Goguel, travailleur du commerce et musicien. Langhoff, libéré en 1934, s’enfuit en Suisse où il publie ce chant et le fait connaître en Angleterre. Bien qu’interdite, la chanson se répand très vite dans les autres camps en Allemagne et en Pologne, par l’intermédiaire des détenus qui sont transférés de camp en camp. L’adaptation française a été réalisée par des déportés, probablement à Dachau vers 1943.
I III
Loin vers l'infini s'étendent Bruit de pas et bruit des armes
De grands prés marécageux Sentinelles jours et nuits
Et là-bas nul oiseau ne chante Et du sang, des cris, des larmes
Sur les arbres secs et creux La mort pour celui qui fuit
Refrain
Ô terre de détresse
Où nous devons sans cesse
Piocher, piocher, piocher
II IV
Dans ce camp morne et sauvage Mais un jour dans notre vie
Entouré de fils de fer Le printemps refleurira
Il nous semble vivre en cage Liberté, liberté chérie
Au milieu d'un grand désert Je dirai : tu es à moi
Dernier refrain
Ô terre enfin libre
Où nous pourrons revivre
Aimer, aimer, aimer